Lorsqu’il s’agit d’investir en bourse, les investisseurs cherchent à évaluer les entreprises pour déterminer lesquelles sont susceptibles de croître et de générer des profits à long terme. L’une des méthodes les plus populaires pour évaluer une entreprise est l’analyse fondamentale, qui consiste à étudier les états financiers, les facteurs extra-financiers, ainsi que la valorisation d’entreprise.
Cette approche de choix d’une valeur en se basant de l’analyse fondamentale est considérée comme une approche plus long terme de l’investissement en bourse. Contrairement à l’analyse technique, qui se concentre davantage sur l’étude des graphiques de prix et des tendances.
Dans ce guide, nous allons examiner les trois méthodes clés de l’analyse fondamentale et expliquer comment les investisseurs peuvent les utiliser pour évaluer les entreprises de manière approfondie.
I ) Avant les chiffres : commencer par analyser l’environnement de l’entreprise…
Cette étape consiste à comprendre les facteurs externes et internes dans lesquels opère une entreprise. Les facteurs clés tels que la taille de l’industrie, la position concurrentielle, les barrières à l’entrée, les tendances du marché et les réglementations peuvent impacter la valorisation d’une entreprise. En comprenant ces éléments, les investisseurs peuvent mieux évaluer la santé financière d’une entreprise et prendre des décisions d’investissement plus éclairées.
Exemple1
La société APPLE est un leader dans l’industrie de la technologie avec des produits emblématiques tels que l’iPhone et l’iPad, MAC… La forte position concurrentielle de la société depuis l’éclatement de la bulle internet, a permis à la société de maintenir la position de leader dans l’industrie de la technologie, et de maintenir une forte croissance des ventes et des marges élevées. Ce qui a conduit à une augmentation de son cours de bourse au fil des ans. La marge d’EBITDA de la société n’a rarement baissé au dessous de 30% depuis 2010;
Croissance du CA et de l’EBE de la société APPLE depuis 2010
Source : Macrotrends
Exemple 2
En 2018, Facebook a été impliqué dans un scandale de protection de la vie privée impliquant Cambridge Analytica, qui a utilisé des données d’utilisateurs de Facebook à des fins politiques sans leur consentement. Cela a entraîné une enquête et des amendes par les régulateurs, ainsi que des coûts supplémentaires pour se conformer à la réglementation. Le cours de bourse de Facebook a chuté de plus de 20 % en quelques mois, entraînant une perte de capitalisation boursière de plusieurs milliards de dollars. Les investisseurs ont également exprimé leur inquiétude quant à la capacité de Facebook à gérer les risques réglementaires, ce qui a eu un impact sur la confiance des investisseurs dans l’entreprise. Depuis lors, Facebook a pris des mesures pour renforcer sa protection de la vie privée et regagner la confiance des utilisateurs et des investisseurs.
II) Décortiquer les états financiers : le compte de résultat, bilan et le tableau des flux de trésorerie.
Les états financiers fournissent des informations clés sur la santé financière d’une entreprise, sa rentabilité, sa solvabilité et sa capacité à générer des flux de trésorerie.
1) Analyse du compte de résultat
L’un des principaux agrégats à analyser dans un compte de résultat, est le Chiffre d’affaires, indique le montant total des ventes de l’entreprise pour une période donnée. L’analyse du CA d’une entreprise permet de déduire sa tendance de croissance ou de déclin, de comprendre la saisonnalité de ses activités, de déterminer la contribution de chaque produit à son CA, d’évaluer sa rentabilité et de mesurer sa part de marché par rapport à ses concurrents. C’est un outil essentiel pour évaluer la performance financière d’une entreprise et prendre des décisions stratégiques.
Ensuite, le coût des ventes, ou le coût des produits vendus, représente le coût total des biens ou services vendus par l’entreprise. La différence entre les ventes nettes et le coût des ventes est appelée la marge brute.
Les frais généraux comprennent les dépenses d’exploitation telles que les salaires, les loyers, les frais de publicité, etc. Ces coûts peuvent être regroupés en différentes catégories, telles que les frais de vente, les frais généraux et administratifs et les frais de recherche et développement. Les investisseurs peuvent analyser ces coûts pour évaluer l’efficacité de l’entreprise dans la gestion de ses dépenses et identifier les domaines où des économies pourraient être réalisée.
Les principaux ratios qui peuvent être calculés à partir du compte de résultat
- Taux de marge brute : la marge brute / CA. L’analyse de ce ratio permet de comprendre si l’évolution du CA provient d’un effet volume ou prix ou d’un effet mixte.
- Marge EBITDA (EBE) = EBE / CA. La marge d’EBE ou EBITDA, est parmi les ratios les plus utilisés dans l’analyse financière et l’évaluation d’entreprise. Il mesure la marge d’exploitation qui provient purement de l’exploitation sans prise en compte du cycle d’investissement (dotations d’amortissements) et financement (charges financières). L’analyse de l’EBITDA est un agrégat très utilisé comme inducteur de valeur pour approcher la valorisation d’une société par la méthode des comparables boursiers .
- Le ratio de couverture des intérêts : Il mesure la capacité de l’entreprise à rembourser ses intérêts sur la dette. Un ratio inférieur à 1 peut indiquer que l’entreprise pourrait avoir des difficultés à rembourser ses dettes. En revanche, un ratio de couverture des intérêts élevé indique que l’entreprise génère suffisamment de bénéfices pour couvrir les paiements d’intérêts sur sa dette, ce qui est un signe positif pour les investisseurs et les prêteurs potentiels. Ratio de couverture des intérêts = bénéfice avant intérêts et impôts (BAII) / charges d’intérêts.
- Ratio de la marge d’exploitation : Ce ratio mesure la rentabilité de l’entreprise avant déduction des charges financières et des impôts. Marge de REX : Résultat d’exploitation / CA
- Marge bénéficiaire : La marge bénéficiaire ou marge nette mesure la rentabilité de l’entreprise après déduction de toutes les dépenses, y compris les frais généraux. Marge nette = Résultat net / CA.
2) Analyse du bilan
L’analyse du bilan d’une entreprise permet d’évaluer sa situation financière à un moment donné. En effet l’état du bilan conditionne les performances financières futures d’une entreprise. Par exemple, l’endettement élevé une société pourrait entraver son développement futur.
Dans l’analyse d’un bilan, l’analyse financier doit mettre l’accent à scruter les éléments suivants :
- La structure de l’actif et du passif : l’analyste doit évaluer la composition de l’actif et du passif de l’entreprise afin de comprendre comment elle utilise ses ressources pour financer son activité et ses investissements.
- La solvabilité et liquidité : Une entreprise rentable est avant tout une entreprise solvable. L’analyse de solvabilité d’une entreprise, est un exercice indispensable à effectuer pour évaluer le niveau d’endettement de l’entreprise et s’assurer qu’elle est capable de rembourser ses dettes à long terme. Par ailleurs s’assurer que l’entreprise dispose de suffisamment de liquidités pour répondre à ses besoins opérationnels. Le BFR de la société doit être suffisamment maîtrisé.
Les principaux ratios qui peuvent être calculés à partir du bilan
- Le ratio d’endettement ou Gearing : Il mesure la proportion des dettes de l’entreprise par rapport à ses capitaux propres. Ce ratio donne une indication de la solvabilité de l’entreprise et de sa capacité à rembourser ses dettes à long terme. Gearing = Dette nette / Capitaux propres.
- Le ratio de liquidité : Ce ratio mesure la capacité de l’entreprise à rembourser ses dettes à court terme en utilisant ses actifs courants. Les ratios de liquidité courante et rapide sont les plus couramment utilisés. Ratio de liquidité courante = Actifs courants / Passifs courants
- Le ratio de rotation des actifs : Il mesure le nombre de fois que l’entreprise a utilisé ses actifs pour générer des ventes. Ce ratio est utile pour évaluer l’efficacité de l’utilisation des actifs de l’entreprise. Ratio de rotation des actifs = Chiffre d’affaires / actifs totaux
- Le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) en jours de CA est une mesure de la liquidité d’une entreprise qui mesure le nombre de jours de chiffre d’affaires (CA) nécessaires pour financer son BFR. Il indique le temps moyen que l’entreprise doit attendre pour récupérer son investissement en fonds de roulement. La formule pour calculer le BFR en jours de CA est la suivante : BFR en jours de CA = (BFR / CA) x 365 jours.
3) Analyse du tableau de flux de trésorerie
Le tableau de flux de trésorerie est un outil essentiel dans l’analyse fondamentale car il fournit des informations sur comment une entreprise génère et utilise sa trésorerie sur un exercice donné. Il permet de comprendre la santé financière d’une entreprise, sa capacité à rembourser ses dettes, à financer ses investissements et à distribuer des dividendes aux actionnaires.
- Les flux de trésorerie liés à l’exploitation : ce sont les flux de trésorerie générés ou utilisés par l’activité principale de l’entreprise. Ces flux incluent les encaissements et les décaissements liés aux ventes, aux achats de matières premières, aux salaires et aux autres coûts d’exploitation…
- Les flux de trésorerie liés aux investissements : ce sont les flux de trésorerie liés aux investissements à long terme de l’entreprise, tels que l’acquisition d’actifs fixes comme des machines ou des équipements. Ces flux comprennent également les investissements dans d’autres entreprises appelée croissance externes
- Les flux de trésorerie liés au financement : ce sont les flux de trésorerie liés aux activités de financement de l’entreprise, telles que les emprunts, les remboursements de dettes, les émissions d’actions et les dividendes versés aux actionnaires.
La somme de ces trois postes permet de donner la variation de la trésorerie sur un exercice donné. le tableau de flux de trésorerie est également la base de la valorisation d’une entreprise, car il fournit des informations clés sur la capacité de l’entreprise à générer des flux de trésorerie futurs qui seront utilisés pour estimer la valeur intrinsèque de l’entreprise en utilisant des méthodes de valorisation telles que le Discounted Cash Flow (DCF).
III ) Approcher l’analyse fondamentale par la valorisation une action par la DCF
La méthode DCF (Discounted Cash flows) se différencie de l’analyse financière des états financiers, du fait qu’elle ne se concentre pas seulement sur les résultats financiers passés de l’entreprise, mais plutôt sur ses flux de trésorerie futurs prévus. La méthode DCF part du principe que la valeur intrinsèque d’une entreprise est égale à la projection des cashflows futurs actualisés.
Ainsi l’estimation de ces cashflows est la clé de voute d’une approximation juste du prix de l’action. Les analystes qui ont une connaissance approfondie de l’entreprise et de son secteur d’activité, ainsi qu’un accès privilégié à la direction, ont une plus grande probabilité de formuler des prévisions pertinentes et réalisables
Les étapes à suivre pour une valorisation DCF
A) projeter les flux de trésorerie futurs de l’entreprise
La première étape consiste à projeter les flux de trésorerie futurs de l’entreprise sur une période donnée, généralement de 5 à 10 ans, en utilisant des prévisions de chiffre d’affaires, de marges bénéficiaires et de dépenses d’investissement. Ensuite, on calcule le flux de trésorerie libre (FTL) ou Flux de trésorerie disponibles, c’est-à-dire la trésorerie disponible pour les actionnaires et les créanciers après avoir payé toutes les dépenses d’exploitation et d’investissement nécessaires.
B) Calcul du taux d’actualisation ou (CMPC) : coût moyen pondéré du capital
La deuxième étape consiste à actualiser ces flux de trésorerie futurs à leur valeur présente en utilisant un taux d’actualisation approprié, qui reflète le coût du capital de l’entreprise et le risque associé à ses activités. Le taux d’actualisation peut être déterminé à l’aide d’une méthode telle que le modèle d’évaluation des actifs financiers (CAPM). Cette étape est très cruciale dans la valorisation d’une société puisque la prix d’une action est extrêmement sensible à ces hypothèses financières qu’on détaille ci-dessous :
Calcul du taux d’actualisation en deux étapes :
1 ) Calcul du coût des fonds propres
- Coût des fonds propres (Rf + β x [Rm – Rf]) : cette formule permet de calculer le coût des fonds propres d’une entreprise à partir du taux sans risque (Rf), du bêta (β) de l’entreprise et du rendement du marché (Rm).
- Taux sans risque (Rf) : le taux sans risque représente le rendement d’un investissement qui ne comporte aucun risque. Il est souvent basé sur le rendement des obligations d’État à court terme.
- Bêta (β) : le bêta mesure la sensibilité d’une entreprise aux mouvements du marché. Il est souvent calculé en utilisant la régression linéaire entre les rendements de l’entreprise et les rendements du marché.
- Rendement du marché (Rm) : le rendement du marché représente le rendement moyen des actions cotées en bourse. Il est souvent basé sur l’indice boursier le plus représentatif du marché considéré.
2 ) Calcul du CMPC ( cout moyen pondéré du capital )
Une fois que vous avez calculé le coût des fonds propres (ou le taux d’actualisation des fonds propres), vous pouvez calculer le coût moyen pondéré du capital (CMPC ou WACC en anglais), qui est la mesure du coût total du capital d’une entreprise. Voici la formule pour le calculer :
CMPC = (E/V) x Re + (D/V) x Rd x (1 – Tc)
Où :
- E est la valeur marchande des fonds propres de l’entreprise ;
- V est la valeur totale de l’entreprise (fonds propres + dette) ;
- Re est le coût des fonds propres, que vous pouvez calculer avec la formule Rf + β x (Rm – Rf) ;
- D est la valeur marchande de la dette de l’entreprise ;
- Rd est le coût de la dette ;
- Tc est le taux d’imposition de l’entreprise.
La première partie de la formule ((E/V) x Re) représente le coût des fonds propres pondéré en fonction de leur poids dans la structure de capital de l’entreprise, tandis que la deuxième partie de la formule ((D/V) x Rd x (1 – Tc)) représente le coût de la dette pondéré en fonction de son poids et de l’effet de l’impôt sur les intérêts payés. Le choix du financement par fonds propres ou par la dette dépend de plusieurs facteurs notamment : Le choix du Management, la capacité d’emprunt, le secteur d’activité…
C) Calcul de la valeur terminale
Enfin, on calcule la valeur terminale de l’entreprise, qui est la valeur de l’entreprise à la fin de la période de projection, généralement après 5 à 10 ans (horizon explicite). La valeur terminale est calculée en utilisant une méthode telle que la méthode du multiple de sortie ou la méthode de la croissance perpétuelle.
VT = CFn x (1 + g) / (k – g)
Où :
- VT est la valeur terminale ;
- CFn est le flux de trésorerie libre de la dernière année projetée ;
- g est le taux de croissance du flux de trésorerie à long terme ;
- k est le taux d’actualisation ou le coût moyen pondéré du capital (CMPC).
La valeur terminale est donc égale au flux de trésorerie libre de la dernière année projetée (CFn) multiplié par un facteur de croissance (1 + g), divisé par la différence entre le taux d’actualisation ou le CMPC précédemment calculé et le taux de croissance (g) à l’infini.
Le (g) est taux de croissance à long terme, il doit être réaliste et cohérent avec les perspectives économiques et industrielles futures de l’entreprise.
En additionnant la valeur actuelle des flux de trésorerie futurs et la valeur terminale, on obtient la valeur intrinsèque de l’entreprise. Si cette valeur est supérieure au cours de bourse actuel de l’entreprise, alors l’entreprise est considérée comme sous-évaluée et vice versa. La méthode DCF est l’une des méthodes les plus précises pour évaluer la valeur d’une entreprise, mais elle est également l’une des plus complexes et nécessite une bonne compréhension de l’entreprise et de ses activités, ainsi que de nombreux facteurs économiques et financiers externes.
Conclusion
En résumé, l’analyse fondamentale est une méthode d’évaluation essentielle pour les investisseurs en bourse. Les trois méthodes présentées dans ce guide : l’analyse des états financiers, l’analyse extra-financière et qualitative, et la méthode de valorisation d’entreprise demeurent complémentaires et apportent des informations essentielles pour une évaluation approfondie de l’entreprise. En combinant ces méthodes, les investisseurs peuvent prendre des décisions d’investissement plus éclairées et mieux comprendre les perspectives à long terme de l’entreprise.
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