Le FMI vient de dresser un bilan assez sombre sur l’impact qu’à eu la guerre que la Russie mène à l’Ukraine et qui pèse de plus en plus lourdement sur les économies européennes. En effet , L’aggravation de la crise énergétique grève le pouvoir d’achat des ménages et augmente les coûts des entreprises, et ces effets n’ont été que partiellement compensés par les nouvelles aides publiques. Les banques centrales sont intervenues plus vigoureusement afin de ramener l’inflation élevée et persistante aux niveaux cibles, et les conditions financières se sont durcies.
Dans le reste du monde, la croissance a fléchi en Chine et aux États-Unis et l’inflation, qui a atteint un sommet jamais connu depuis plusieurs décennies, a entraîné un resserrement généralisé de la politique monétaire à l’échelle mondiale. Dans ce contexte, les perspectives européennes se sont considérablement assombries, la croissance étant amenée à fortement ralentir tandis que l’inflation devrait rester élevée. La croissance de la production dans les pays européens avancés ou émergents (à l’exclusion des pays en conflit et de la Türkiye) devrait passer respectivement de 3,2 % et 4,3 % en 2022 à 0,6 % et 1,7 % en 2023, soit 0,7 et 1,1 point de pourcentage de moins que les projections de la Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale de juillet 2022.
Les pertes de production seront très importantes dans les pays en conflit. Malgré une diminution prévue en 2023, l’inflation globale restera nettement supérieure aux objectifs des banques centrales, à 6,2 % dans les pays avancés et 11,8 % dans les pays émergents. Les prévisions de croissance sont sujettes à des risques à la baisse, tandis que celles de l’inflation sont sujettes à des risques à la hausse.
Les récessions techniques—définies comme deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB —prévues dans certaines parties de l’Europe pourraient se transformer en récessions encore plus profondes sur le continent. L’un des principaux risques à court terme tient à une nouvelle perturbation des approvisionnements en énergie, qui, conjuguée à un hiver froid, pourrait entraîner des pénuries de gaz, des rationnements et des difficultés économiques plus profondes.
L’inflation, qui dépasse .les prévisions fournies par les outils empiriques traditionnels, pourrait persister plus longtemps à des niveaux plus élevés, en particulier si les anticipations d’inflation à moyen terme commençaient à se désancrer ou si une compensation salariale excessive des hausses de prix récentes venait à déclencher une boucle prix-salaires. En outre, les tensions sociales pourraient s’intensifier face à la crise du coût de la vie, ce qui pousserait les politiques budgétaires dans un sens plus expansionniste et pourrait contraindre les banques centrales à resserrer davantage leur politique monétaire.
Face à la conjonction d’une croissance faible et d’une inflation élevée qui pourrait empirer, les décideurs européens sont confrontés à des arbitrages très complexes et des choix difficiles. Si un resserrement de la politique macroéconomique s’impose pour faire reculer l’inflation, ils doivent aussi aider les ménages vulnérables et les entreprises viables à surmonter la crise énergétique. Mais les politiques économiques doivent également rester souples et adaptables, et s’ajuster si des chocs supplémentaires se concrétisent. Concernant la politique monétaire, sachant que les taux réels restent généralement accommodants, que les marchés du travail sont globalement résilients, que les prévisions d’inflation dépassent les niveaux cibles et que les risques d’une révision à la hausse de l’inflation (sous-jacente) dominent, les banques centrales doivent continuer à relever leurs taux directeurs.
Des hausses plus rapides s’imposent dans les pays avancés, et une politique monétaire restrictive sera probablement nécessaire en 2023, à moins que les chiffres de la croissance et de l’emploi se dégradent par rapport aux prévisions actuelles au point de réduire sensiblement l’inflation à moyen terme. Une politique monétaire encore plus stricte semble généralement appropriée dans la plupart des pays émergents européens, où les anticipations d’inflation ne sont pas aussi fortement ancrées, les positions cycliques sont plus robustes et la croissance des salaires nominaux est plus élevée. La politique budgétaire aura pour tâche difficile de reconstituer des marges de manœuvres et d’aider la politique monétaire dans sa lutte contre l’inflation, tout en gérant le choc dramatique des prix de l’énergie.
Une consolidation est nécessaire en 2023, à un rythme plus rapide dans les pays à moindres marges de manœuvre budgétaires, plus vulnérables au durcissement des conditions financières et/ou dont les positions cycliques sont plus fortes, ce qui est le cas de la plupart des pays européens émergents. Il pourrait être judicieux de ralentir le rythme de cette consolidation budgétaire pendant quelques mois afin que les autorités puissent soutenir les ménages et les entreprises viables pendant la crise énergétique.
Ce soutien devrait être temporaire et préserver de forts signaux de prix, qui incitent à économiser l’énergie. Les paramètres de la politique macroprudentielle peuvent rester globalement inchangés pour éviter d’amplifier le ralentissement économique, mais les autorités de supervision doivent surveiller de près l’exposition des banques aux ménages et aux entreprises vulnérables touchés par la détérioration des perspectives de croissance, la hausse des prix de l’énergie et le durcissement des conditions financières, et soumettre ces banques à des tests de résistance.
Pour le FMI, il demeure essentiel de mettre résolument en œuvre les réformes qui améliorent la productivité, allègent les contraintes d’approvisionnement sur les marchés de l’énergie et du travail et développent les capacités de production—notamment en accélérant la mise en œuvre des programmes « Next Generation EU »afin de stimuler la croissance et d’atténuer les pressions sur les prix à moyen terme, tout en garantissant la sécurité énergétique, en accélérant la transition écologique et en contrecarrant les effets du vieillissement démographique.
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