L’efficience des marchés financiers au sens large désigne la capacité des marchés financiers (actions , obligataires ou de taux, de change…) à refléter instantanément l’état de l’économie et de ses impacts futurs dans la valeur fondamentale et intrinsèque des actifs financiers.
Le degré d’efficience des marchés faisait l’objet d’un consensus chez les économistes financiers jusqu’à la fin des années 1980 ; il est devenu depuis un sujet de discorde. Il s’agit d’une question centrale de la théorie financière aux implications pratiques importantes, puisque le style de gestion choisi par un gérant dépendra de son biais l’information disponible, alors il est illusoire d’espérer battre le marché de façon récurrente en acquérant de l’information déjà intégrée dans les cours. Il choisira plutôt une gestion passive. A l’inverse, s’il estime que l’information n’est pas toujours intégrée correctement dans les cours, c’est-à-dire immédiatement et sans biais, alors il peut espérer profiter de ces proches d’inefficience dans le cadre d’une gestion active pour battre le marché
Quelles sont donc les différentes notions d’efficiences des marchés financiers ?
L’efficience allocationnelle :
L’efficience allocationnelle fait référence à la façon dont le marché financier remplit correctement son rôle d’allocation de l’épargne, qui est sa raison d’être. Il oriente les ressources vers les emplois les plus productifs et satisfait ainsi au développement de l’économie. L’épargne est une ressource limitée par rapport aux besoins des entreprises pour financer leurs projets d’investissements. Dès lors, elle doit servir à financer en priorité les projets qui offrent les taux de rentabilité espérés les plus élevés. Il ne s’agit ni plus ni moins du jeu de l’offre et de la demande ; à l’équilibre, le taux de rentabilité marginal de l’épargne doit être égal au taux de rentabilité du dernier projet qu’elle peut financer. Dans ce cas, on considère que le marché est efficient dans l’allocation des ressources. Cette notion d’efficience, longtemps délaissée par les économistes financiers, a fait l’objet d’un regain d’intérêt dans les années 1980 avec notamment un programme de recherche initié à Harvard sous l’impulsion de Robert Merton
L’efficience technique ou opérationnelle
La deuxième approche de l’efficience porte sur le fonctionnement des marchés financiers. Ces derniers sont efficients au sens technique ou opérationnel lorsqu’ils permettent aux offreurs et demandeurs de capitaux d’opérer des transactions dans les meilleures conditions possibles et au meilleur coût. Il faut donc trouver, en fonction des caractéristiques des valeurs et des besoins des opérateurs, les règles de fonctionnement et le degré de transparence les plus adéquats. Il existe différents modes d’organisation des marchés de par le monde. Ces marchés sont en concurrence les uns avec les autres, ce qui conduit à une amélioration constante de leur architecture
L’efficience selon la rationalité des acteurs économiques
La troisième notion d’efficience a trait au comportement des opérateurs. L’idée est simple : s’ils ont un comportement rationnel, alors le marché sera efficient. Cette forme de rationalité est celle de l’homo economicus. Si tous les acteurs du marché se comportent ainsi, alors les cours boursiers intègrent forcément l’ensemble de l’information disponible à un moment donné et reflètent parfaitement la valeur intrinsèque des actifs. Leur cheminement devient imprévisible et ils suivent une marche aléatoire. Le marché est alors efficient.
Cette approche de l’efficience supposant une rationalité parfaite des opérateurs est maximaliste. Si les marchés étaient rationnels dans ce sens, alors les transactions seraient probablement extrêmement réduites…
Sur cette approche deux courants existent : selon la première, l’école classique, les intervenants sur le marché ne sont certes par toujours rationnels dans leur prise de décision mais leurs erreurs éventuelles se compensent et les prix des actifs provenant de l’agrégation d’un grand nombre de décisions individuelles s’approchent de la valeur fondamentale des actifs. Lorsque ce n’est pas le cas, des investisseurs perspicaces peuvent exploiter les erreurs de valorisation avec profit, ramenant les prix à leur niveau d’équilibre. Les investisseurs faisant le plus d’erreurs seraient naturellement éliminés du marché après avoir accumulé des pertes substantielles dues à leurs mauvaises décisions. Peu importe donc d’étudier la façon dont les agents prennent leurs décisions puisque cela n’a pas ou peu d’influence sur les prix.
Les défenseurs de la finance comportementale contestent cette conclusion. La littérature montre que les biais psychologiques ont tendance à être systématiques dans certaines configurations de décision. Dans ce cas, tous les investisseurs risquent de faire les mêmes erreurs au même moment, affectant ainsi le cours des titres qui peuvent s’éloigner de façon sensible de leur niveau d’équilibre.
Prenons un exemple. L’heuristique de représentativité nous conduit à formuler des opinions sur la base d’événements marquants, négligeant d’autres informations qui nous permettraient d’en formuler de meilleures. Une société qui réalise plusieurs années de suite des bénéfices supérieurs aux attentes des analystes peut ainsi créer un engouement chez les investisseurs qui vont anticiper une poursuite de ces performances et acheter le titre plus que de raison en négligeant le phénomène de retour à la moyenne. Ce faisant, le cours va s’éloigner de la valeur fondamentale. Des Investisseurs plus perspicaces peuvent certes prendre conscience de la surévaluation du titre mais, voyant les cours monter, peuvent préférer acheter le titre en espérant le revendre avant la correction qu’ils anticipent. Enfin, d’autres investisseurs, voyant les cours de certains titres fortement progresser, les achètent uniquement sur la base de cette information, accentuant encore la hausse qui peut devenir irrationnelle.
L’efficience informationnelle
La dernière définition de l’efficience des marchés financiers, dans le prolongement de la précédente, fait référence à la capacité du marché d’intégrer l’ensemble des informations disponibles. Il revient à Fama (1965) d’avoir défini précisément le concept d’efficience informationnelle en considérant qu’un marché est efficient « si et seulement si l’ensemble des informations disponibles concernant chaque actif financier coté sur ce marché est immédiatement intégré dans le prix de cet actif ». L’avantage de cette définition est qu’elle ne Prend pas en considération le degré de rationalité des acteurs. Les conséquences pratiques sont toutefois identiques. En effet, si les cours intègrent bien l’ensemble de l’information disponible, alors il est impossible de prévoir leur évolution et ils représentent bien la meilleure évaluation possible des actifs puisqu’ils résultent de la confrontation des avis de tous les participants au marché.
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